A Arles, l’atelier LUMA, think tank et petite manufacture de production, s’appuie sur les ressources de la région pour inventer d’autres façons de vivre et de consommer. En bonne place, les résidus agricoles laissent entrevoir des usages inédits… et des revenus complémentaires pour les exploitants.
Aller au Parc des Ateliers LUMA d’Arles pour parler d’agriculture semble hors de propos. Dans ces anciens ateliers de construction et de réparation ferroviaires se bâtit, grâce à la Fondation LUMA de la mécène suisse Maja Hoffmann, un pôle d’expérimentation culturel de premier plan. Il est incarné par la tour en chantier de l’architecte star Frank Gehry, dont les 56 m abriteront des résidences et des studios d’artistes, une bibliothèque et même un restaurant.
Que viennent faire les résidus agricoles dans ce lieu ? Il faut entrer dans l’atelier LUMA, centre de recherche et de design créé en 2016, pour comprendre. Là, surprise : sous la voûte supportée par des piliers métalliques, une petite ruche humaine s’active autour de tables hautes et d’autres à roulettes, au milieu d’objets divers et d’ordinateurs portables.
Concevoir des innovations durables
L’atelier LUMA rassemble des designers, des architectes, des ingénieurs, des botanistes et des développeurs venus du monde entier. Jusqu’à 200 personnes travaillent au gré des projets mais tous ont un seul et même but : s’appuyer sur les ressources, les matériaux et les savoir-faire locaux pour concevoir des innovations durables. Les ressources agricoles en font partie. Nous y voilà !
Car parmi les six thèmes définis par l’atelier (mobilité, hospitalité, éducation….), il y a l’utilisation des co-produits de culture et des résidus agricoles. Le sel, les algues, le riz de Camargue, le tournesol, peut-être demain la laine de mouton, ont des qualités qui peuvent servir de base à de nouveaux matériaux de construction, d’isolation, de conduction…
Balle de riz, bilan carbone imbattable
Exemple : le riz. Sa balle (l’enveloppe du grain) est enlevée dans des usines de décorticage et valorisée pour les litières animales. Mais c’est aussi un bon isolant, qui dispose d’un bilan carbone imbattable. Elle pourra être utilisée demain sur des chantiers de construction. La paille de riz, elle, est souvent brûlée, occasionnant des problèmes de pollution. Elle a pourtant des qualités isolantes et filtrantes qui peuvent être le fer de lance d’une nouvelle filière écotechnologique, à travers par exemple la dépollution des eaux.
« Airbus se sert de la cendre de balle de riz pour l’incorporer à de l’acier. Le riz absorbe le sébum. Ses sous-produits peuvent filtrer l’eau (…) et on peut faire de la colle avec du gluten de riz », énumère Bertrand Mazel, président du syndicat des riziculteurs de France et Filière.
« Polystyrène » naturel de tournesol
Plusieurs projets avec les résidus du riz mais aussi l’algue de Camargue ou le tournesol – les designers de LUMA travaillent sur la tige broyée, substrat capable de produire un « polystyrène » naturel – sont en cours de développement. Ils pourraient aboutir très prochainement. Une valorisation « bio » sur laquelle les producteurs et leurs groupements lorgnent car elle pourrait permettre d’améliorer l’ordinaire, tout en éliminant des contraintes environnementales. Les coques d’amandes, les coquilles de tellines… ont aussi des vertus éco-durables. Attention, les ingénieurs et designers sont à l’œuvre et pourraient faire demain des agriculteurs provençaux les fournisseurs incontournables des matériaux du futur !