problème écologique

Cet été, les associations pour la sauvegarde de l’étang de Berre, dont l’Etang Nouveau, ont tiré la sonnette d’alarme. Elles dénoncent un déversement important de limons depuis la centrale EDF de Saint-Chamas. Une errance écologique responsable de l’interdiction de la baignade et de la mort de nombreux poissons et coquillages.

Le problème ne date pas d’hier. Depuis des années, la centrale EDF de Saint-Chamas turbine dans l’étang en relâchant eau douce, limons et nitrates. Trois facteurs ayant des conséquences néfastes sur l’écosystème de l’étang devenu très instable et fragile.

Petit rappel historique. Il fut un temps où ces déversements n’étaient pas contrôlés. Depuis 1966, l’étang a encaissé des rejets qui ont appauvri et menacé son écosystème. Le plan d’eau est devenu eutrophe*, par un trop plein d’apports de nutriments et une surabondance de plancton. En 2005, l’Union Européenne avait condamné la France pour pollution massive. Les déversements sont depuis contrôlés et soumis à un quota. Soit 1,2 milliards de m3 d’eau douce par an et 60 000 tonnes de limons.

Poissons morts, promenade Andréoni à Berre. Crédit GIPREB

Une grande partie de l’étang atteint cet été

Un phénomène d’anoxie a été signalé cet été par la population et des associations comme l’Etang Nouveau. Elles ont vu des poissons morts et des coquillages s’échouer sur les rives. Conséquence : fermeture des plages et interdiction de la baignade. Par ailleurs, les nurseries pour les petits poissons cachés au fond de l’étang ont été impactées. « Les conséquences ne sont pas encore toutes mesurables et se dévoileront au fil des mois. Mais l’écosystème est devenu extrêmement fragile », s’alarme Vincent Faure, chargé de développement scientifique au GIPREB (Syndicat mixte pour la Gestion Intégrée, Prospection et Restauration de l’Etang de Berre).

Ce syndicat, composé des dix communes de l’étang de Berre, du Conseil départemental, du Conseil régional, de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Marseille Provence ainsi que de la Chambre d’Agriculture, de la Prudhommie de la pêche et du MNLE*, parle d’une catastrophe écologique. Il a averti à nouveau les pouvoirs publics début octobre. Le dossier avait été placé sur le bureau de Nicolas Hulot. Il se trouve maintenant entre les mains du nouveau ministre de l’écologie, François de Rugy.

Vue satellite de l’étang, été 2018. Crédit GIPREB

Réduire les turbinages de moitié

L’anoxie de l’étang a été amplifiée cette année par les conditions météorologiques. Un printemps pluvieux, un été caniculaire ainsi qu’un manque de mistral, qui aide généralement à nettoyer l’étang dans ses profondeurs. « De plus, des rejets exceptionnels non turbinés mais très boueux ont eu lieu pendant la crise d’anoxie et ont été autorisés par l’Etat en raison de travaux dans le lit de la Durance. Dans ce dispositif, c’est l’Etat qui est visé par manque de concertation avec les instances de l’étang de Berre. Pendant ces périodes de travaux, des eaux peuvent être apportées sans limites à l’étang via le canal usinier mais sans produire d’électricité. Août étant une période très sensible du point de vue de l’écosystème et des usages, cela reste inacceptable. Les années précédentes, ce dispositif n’avait, par chance, pas ou peu donné lieu à des rejets exceptionnels dans l’étang », explique Raphaël Grisel, directeur du GIPREB.

Pour le syndicat, il serait nécessaire qu’EDF réduise ses turbinages de moitié, à 600 millions de m3 par an au lieu de 1,2 milliards.

Interrogé à cet effet, EDF se réfugie derrière ses quotas, en indiquant respecter son cahier des charges. Christophe Longre, directeur de cabinet d’EDF Hydroméditerranée soutient que « tous les engagements ont été tenus et notre activité est contrôlée quasi quotidiennement. Nous nous sentons concernés par les problèmes de l’étang de Berre mais il n’y a pas eu de turbinage du 25 juin au 06 août ».

Coquillages morts dans l’étang. Crédit GIPREB

Images satellites

Pour l’entreprise, l’anoxie est liée aux conditions météorologiques, pas aux rejets. L’eau n’est pas boueuse, elle reste transparente. La fermeture des plages est dûe aux orages qui ont amené des eaux usées. Le GIPREB a pourtant publié sur son site des images satellites montrant l’étendue des limons dans l’étang, face notamment à la centrale EDF.

L’entreprise s’appuie sur le constat qu’en 2017, la vie dans l’étang de Berre s’était améliorée, les zostères étaient revenues. Et la pêche aux palourdes à nouveau autorisée en février 2018. Le GIPREB avait signalé ce progrès dans son rapport de 2017 mais n’avait jamais omis de dire que l’écosystème restait instable et que tout pouvait basculer, comme c’est le cas cette année. Depuis, nouvelle interdiction de la pêche à la palourde le 31 août.

Le GIPREB propose depuis longtemps des solutions, dont la réouverture du tunnel du Rove qui permettrait des échanges avec la mer. Le dossier est toujours en attente. Le problème principal reste les apports en nutriments résultant du turbinage. Pour cela, une seule solution : diminuer les quotas de rejets de la centrale EDF de Saint-Chamas. Mais l’Etat veut-il aller plus loin ?


* Eutrophe : prolifération végétale entraînant une désoxygénation de l’eau.

**MNLE : Mouvement National de Lutte pour l’Environnement.

GIPREB : https://etangdeberre.org/

Association Etang Nouveau : http://letangnouveau.org/