Ultime roue de secours d’un village en mal de développement, ou grand projet inutile à proscrire ? Sur les pentes du Ventoux, le projet All Bike ne laisse personne indifférent.
Bédoin et ses 3 170 habitants accueillent chaque année 126 000 cyclistes. Ils viennent en découdre avec le Géant de Provence. Principalement l’été. Mais le reste de l’année ? Le maire pleure ses 3 classes fermées en 4 ans, sa population qui se ratatine. Sans parler des commerces qui ferment et des 235 chômeurs.
Et pour cet enfant du pays, le développement de Bédoin est une préoccupation. « On devient une station balnéaire saisonnière », regrette Luc Reynard. Et ce qui l’inquiète surtout, ce sont les projets dont les communes voisines pourraient bénéficier. « On doit pouvoir accueillir les visiteurs, sinon ils iront ailleurs ».
Alors quand une initiative privée lui a amené un projet tout ficelé, clé en main, « et qui ne coûte rien à la collectivité », le moins qu’on puisse dire et qu’il lui a « prêté une oreille attentive ».
Un vélodrome couvert
Et le projet en question est ambitieux. Sur 3 hectares de terre agricole à la sortie du village, il prévoit la construction « semi-enterrée » d’un vélodrome couvert. Avec, précise Luc Reynard, la possibilité d’exercer d’autres activités sportives, type badminton et un gymnase. Mais aussi des commerces, un hôtel 4 étoiles, cinéma, musée… A la clé, 80 à 100 emplois promis.
La construction nécessiterait une modification du PLU, le terrain est aujourd’hui inconstructible.
Une opposition farouche
Sitôt connu, le projet soulève une opposition dans le village et alentours. Le « Collectif Citoyen Bédoin Ventoux » est constitué, des pétitions circulent, des actions sont menées. Les opposants dénoncent un projet « inutile et disproportionné, négatif pour l’équilibre de l’économie locale, néfaste pour l’environnement et contraire à l’esprit des touristes actuels ». Enfin en avril 2018, une association est créée. Pour ses membres, All Bike Ventoux Provence ne doit pas voir le jour. Et ils alignent les arguments écologiques, économiques et les propositions alternatives.
Ils refusent la bétonisation de terres agricoles, s’inquiètent des conséquences sur l’eau et les paysages. Et ce, à l’heure où –justement- les pouvoirs publics affirment vouloir protéger les terres agricoles.
Mais ils constatent aussi que les vélodromes couverts en France sont en déficit, alors qu’ils bénéficient d’un bassin de population bien plus important que Bédoin. Et ils craignent que les contribuables soient sollicités d’une manière ou d’une autre. Et puis ils mettent en doute le nombre de créations d’emploi annoncé et redoutent au contraire un déséquilibre sur une économie locale fragile.
Accusés par la Municipalité de n’être qu’opposants, les citoyens impliqués contre le projet affichent leurs propositions alternatives. De la création d’une AMAP pour favoriser les nouveaux maraîchers à un tourisme doux, type randonnée pédestre en passant par des projets de transition énergétique aux emplois locaux non délocalisables…
Dans l’attente
Pour l’heure, plus de nouvelles du porteur de projet qui devait présenter ses investisseurs fin mars. Le comité de suivi mis en place par la mairie attend des précisions sur les 60 à 80 millions d’euros annoncés. Un silence difficile à interpréter.
Le 28 avril, le collectif lui, organise une grande fête. Au programme, tables rondes, débats et réflexions. « Et de la musique car construire un autre avenir pour notre village passe forcément par de nouveaux liens entre les habitants, et quoi de mieux que faire la fête ensemble !»
A Bédoin, entre tenants et opposants au projet, la petite reine met pour le moment l’entente républicaine à rude épreuve.