En part de surface agricole utile, la région est celle de France la plus engagée en bio. Fondée sur des raisons historiques, cette situation touche désormais l’ensemble des filières. La demande et les techniques aidant, ce n’est pas prêt de s’arrêter.

Une carte de France publiée à l’automne dernier dans un hebdomadaire nous avait alertés. On y voyait que la part la plus importante de surfaces agricoles utiles engagées en bio dans l’Hexagone, fin 2016, se trouvait en région PACA (19,4%), et plus globalement sur l’arc méditerranéen – pour une moyenne nationale de seulement 5,7%. Nous le savions déjà mais il fallait en connaître les raisons. Normal, pour un site qui  traite de transition et d’écologie !

Alors, quoi de plus logique que d’aller voir les représentants des exploitants bios pour en parler ? Deux questions nous taraudaient : pourquoi la région avait pris une telle avance et quelles étaient les filières les plus engagées ? Bref, que se passait-il dans le paysage bio en région ?

Ensoleillement et air sec

Sur les raisons historiques, les choses sont à peu près claires. Premier avantage différentiel de la région : la météo. « Le climat méditerranéen est moins humide. Grâce à l’ensoleillement et à l’air sec, les cultures nécessitent naturellement moins de traitements chimiques. Les plantes développent ici moins de maladies cryptogamiques », énonce Christophe Bauvineau, directeur du réseau Bio de Provence Alpes Côtes d’Azur, fédération de six associations départementales d’agriculteurs bios qui conduit et anime des actions auprès des producteurs et facilite installations et conversions.

Récolte abricots Crédit Bio de Provence Côte d’Azur (Matthieu Chanel – Agrobio35)

Second atout : la polyculture. PACA n’est pas une région d’élevage ou de céréaliculture intensive. Dans ces cas de figure, les filières amont et aval sont très structurées, voire verrouillées. Elles limitent fortement les marges de manœuvre des producteurs qui souhaitent changer de modèle. Rien de tel en Provence où les exploitations sont de taille plus modeste, avec un panel de productions diversifié.

Circuits courts et pouvoir d’achat

Troisième différence : la proximité des zones de production avec de grands bassins de consommateurs. « Il y a toujours eu ici des débouchés pour les circuits courts. Le bio s’est beaucoup développé grâce à cela, car il y avait une demande et un terrain favorable », justifie Christophe Bauvineau.

Ajoutons y aussi les touristes, dans la seconde région la plus visitée de l’Hexagone après l’Ile de France. « Il y a une certaine facilité à vendre aux vacanciers, d’autant qu’une partie a un fort pouvoir d’achat et est prête à dépenser plus pour des produits de qualité », ajoute le responsable du réseau.

Rappelons que les AMAP sont nées en Provence, sur un territoire où l’on comprend que la sensibilité aux circuits de proximité et la plus grande « facilité » à faire du bio se sont combinés avec bonheur.

N°1 bio, la viticulture

Marché bio Provence Crédit Bio de Provence Côte d’Azur

Ceci étant, où en est-on aujourd’hui côté cultures ? Et que recouvrent ces 19,4% de surfaces utiles ? « Le plus grosse filière bio en PACA est la viticulture. Cela a débuté dans la vallée du Rhône et la conversion s’est étendue vers d’autres territoires. En légumes aussi, la production est devenue conséquente », témoigne Christophe Bauvineau. Deux filières où l’on peut plus facilement obtenir de bons rendements et une valorisation des produits, avec un risque limité de maladies – même si le Black-Rot pose ces derniers temps un problème pour la vigne.

Ce n’est pas tout. « Les filières qui bougent désormais sont l’arboriculture et les plantes aromatiques et à parfums. Même en élevage bovin et ovin, les choses sont en train d’évoluer », dit-on au réseau Bio de Provence Alpes Côtes d’Azur. Le boom des conversions et installations se traduit par les chiffres : + 27% de nouvelles fermes bio en PACA en 2015, comparé à 2014 ; + 16% en 2016 ; + 27% en 2017. « La courbe est forte, cela grimpe partout », confirme la direction du réseau.

Attente sociétale forte

Cette tendance est-elle appelée à s’étendre ? « Il n’y a pas de raison qu’elle ne se poursuive pas. La demande des consommateurs s’accroit (…) et les techniques s’améliorent, même s’il existe encore des difficultés pour l’arboriculture et les plantes aromatiques. La seule crainte, ce sont les aides publiques. Le nombre de conversions grimpe et il faut que les subventions soient corrélées, d’autant que les agriculteurs prennent des risques. Notre inquiétude est qu’il n’y ait pas assez de crédits ces trois prochaines années ».

On peut être en effet inquiets mais aussi… optimistes : l’attente sociétale est devenue forte et les élus des partis traditionnels ne peuvent rester insensibles aux souhaits de leurs concitoyens, même si le discours officiel en région est toujours calé sur l’élément de langage : « nous soutenons toutes les agricultures ». Gageons que dans six à sept ans, allez dans dix ans, poussés par la réalité des faits et la contrainte électoraliste, ces mêmes élus diront que l’agriculture conventionnelle, c’est ringard ! Nous sommes prêts à prendre les paris.

Vendanges Crédit Augier

« Rien ne résiste au bio », veut-on ainsi se convaincre au Réseau. Il y a quand même des secteurs où c’est encore compliqué. En oléiculture, par exemple, la rentabilité d’une exploitation plantée d’arbres de moins de vingt ans, ainsi que les années de mauvaise récolte est, selon des producteurs rencontrés, impossible à atteindre aujourd’hui. Sans parler que l’on ne s’improvise pas agriculteur bio : des échecs ont été relevés, ainsi que des… déconversions, notamment en oléiculture.

Le combat du bio en région est en bonne voie mais tout n’est pas encore gagné.


Un réseau bio sur tous les fronts

Le réseau Bio de Provence Alpes Côtes d’Azur, basé à Avignon, regroupe les 6 associations du Var, du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône, des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes et des Alpes-Maritimes. Sa mission est quadruple : représenter les agriculteurs bios auprès des institutions régionales ; mais aussi accompagner les producteurs d’un point de vue technique, en assurant notamment des formations ; animer également les filières en renforçant les liens entre les agriculteurs et les structures amont et aval, tel le secteur de la transformation ; mener enfin une approche agroécologique globale, en intégrant les questions énergétiques ou de protection de l’eau.

Chiffres clefs :

– 2 880 fermes bios en PACA (4ème région française après Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine)

– 116 943 ha en bio et conversion

– + 7 264 ha bio en 2016 vs 2015